Retrouvez ici les articles publiés par Chloé Ridel (liste non exhaustive)
Monsieur le Président de la République,
Par lettre datée du 4 octobre, le capitaine Paul Watson vous a demandé l’asile politique.
Fondateur de l’ONG Sea Shepherd, Paul Watson a dédié 50 ans de sa vie à la protection de la biodiversité marine. En particulier, son activisme a permis de préserver 5 000 cétacés de la pêche commerciale illégale encore pratiquée par le Japon, la Norvège et l’Islande, en violation du droit international et du moratoire imposé par la Commission baleinière internationale (CBI) en 1986.
Paul Watson revendique un mode d’action radical mais résolument pacifique, visant à protéger les espèces marines menacées. Depuis 2012, il est victime d’un usage abusif et politique du système de notice rouge d’Interpol par le Japon, qui a conduit à son arrestation par la police danoise au Groenland au mois de juillet 2024. Son arrestation au sein de l’Union européenne a suscité notre étonnement, alors que Paul Watson a pu résider depuis un an en France et voyager librement, sans être inquiété, dans plusieurs pays européens, notamment en Irlande, aux Pays-Bas et en Suisse.
Après avoir dénoncé le cadre européen, les extrêmes droites s’efforcent désormais de le détourner de l’intérieur. Face à cette stratégie du cheval de Troie, la gauche doit tout faire pour prévenir ce rabougrissement.
L’extrême droite étend son emprise en Europe. Au pouvoir en Hongrie, en Italie, aux Pays-Bas, elle est en tête des sondages pour les élections européennes en France, en Autriche, en Italie et en Flandre.
Nous sommes face à un paradoxe : les extrêmes droites ont été, après l’horreur nazie et fasciste, historiquement absentes de la construction européenne. Elles n’y ont pas participé. Jusqu’à récemment, elles rejetaient le projet européen. Mais désormais, elles prétendent en reprendre le flambeau. A partir du milieu des années 2010, les extrêmes droites ont incarné, seules, la contestation, la subversion, l’opposition à un ordre européen affaibli et vieillissant… Elles savent aujourd’hui s’unir pour le détourner de l’intérieur. C’est la stratégie du cheval de Troie.
Europe, ça rime avec ?
Avec biotope. Du grec, «lieu de vie». L’Europe est notre lieu de vie, riche d’un extraordinaire patrimoine naturel et culturel. Les peuples européens sont aussi liés par une certaine façon de vivre qui nous distingue du reste du monde, que nous devons lutter pour préserver. Ce sont des institutions démocratiques, des grands principes comme le respect de la dignité humaine ou la liberté de conscience, une certaine idée de la justice sociale, et demain une vision particulière de l’écologie, qui devra s’opposer au techno-solutionnisme américain et chinois.
Faut-il intégrer l’Ukraine à l’Union européenne (UE) ? Le pays a formulé une demande d’adhésion dans la foulée de son invasion par les troupes russes en février 2022. En décembre 2023, les dirigeants européens ont officiellement ouvert des négociations avec Kyiv.
Pour en débattre, Mediapart a organisé un échange au long cours entre deux candidat·es de gauche au scrutin européen du 9 juin prochain, en désaccord sur cet enjeu clivant de la campagne.
Chloé Ridel, porte-parole du Parti socialiste (PS) et dixième sur la liste PS-Place publique emmenée par Raphaël Glucksmann, autrice du livre D’une guerre à l’autre : L’Europe face à son destin (L’Aube, 2022), a ainsi dialogué avec Emmanuel Maurel, élu depuis 2014 à Strasbourg, qui se présente en troisième position sur la liste portée par le communiste Léon Deffontaines au nom de la Gauche républicaine et socialiste (GRS), après avoir figuré sur des listes PS (2014) et LFI (2019).
Le plan d’austérité de 10 milliards d’euros annoncé par Bruno Le Maire le 18 février est la marque d’une amnésie coupable. Il y a dix ans, l’Europe s’enfonçait dans une crise économique qui allait menacer jusqu’à l’existence même de la monnaie unique. Après deux années de relances coordonnées des économies européennes en 2009 et 2010 qui laissaient augurer une sortie de crise réussie et comparable aux Etats-Unis, l’Union Européenne choisit l’austérité et commit ce qui est aujourd’hui encore perçu, jusqu’au FMI, comme l’une des plus graves erreurs dans la conduite des politiques économiques.
Le continent fut alors traversé par une vague d’austérité-panique. Des politiques de réduction des déficits publics furent menées partout de manières brutales et synchrones. Un cocktail de hausse d’impôts, de baisse des dépenses et de vente d’actifs publics plongea l’économie européenne dans le marasme. Les résultats furent inverses à ceux espérés. La récession creusa à nouveau les déficits et les dettes que l’on voulait combler.
Le décrochage avec l’économie américaine fut complet. Des infrastructures stratégiques furent cédées à des acteurs chinois et américains. Un régime d’activité atone s’installa avec son lot de chômage, de sous-investissement et de malheur. Cette politique portée par la droite européenne et menée de façon autoritaire par la Troïka a failli tuer le projet européen, tant elle a divisé le continent du nord au sud et est apparue contradictoire avec les aspirations démocratiques des peuples.
À 12 ans, Chloé Ridel, intriguée, entend parler de Sciences Po à la Star Academy, à travers l’évocation des études de la candidate Anne Thibault. À 15 ans, elle délaisse TF1 pour le canal 13 de la TNT, collée devant les débats parlementaires de LCP. Bac en poche, elle rejoint les bancs de la rue Saint-Guillaume en 2009.
Pourtant, la jeune Chloé Ridel n’était pas prédestinée à la politique – ni à l’ENA, qu’elle a préparée six mois avant les concours. « Le choix de Sciences Po, c’était moi et moi-même », nous assure-t-elle. À la maison, ses parents ne sont que très peu politisés et son entourage gardois « méfiant » vis-à-vis de l’État. Elle n’hérite d’aucun cadre idéologique, alors elle le construit elle-même, loin des structures partisanes. En 2018, elle fonde l’association Mieux Voter, pour promouvoir une réflexion collective sur des modes de scrutin alternatifs, « plus démocratiques ». Rapidement, l’idée d’un vote au jugement majoritaire, qui consiste à classer les différentes options en leur attribuant diverses mentions, séduit. Elle est notamment reprise par la mairie de Paris pour le vote de son budget participatif et, en 2022, par la Primaire populaire. Pour un résultat mitigé dans le dernier cas.
Quelle doctrine mettre au cœur des gauches européennes : une social-démocratie réinventée, une union populaire, un écosocialisme ?
Comme l’a rappelé François Ruffin, une erreur fondamentale a été commise par les socialistes dans les années 1980, sous Mitterrand. Celui-ci a renoncé à exiger qu’avant de libéraliser les flux de marchandises et capitaux, ceux-ci soient harmonisés avec des enjeux environnementaux et sociaux. En conséquence, le marché nous a dicté ses normes. Il convient d’abord d’être lucide sur cette erreur. Aujourd’hui, l’Europe est depuis près de quatre ans dans un moment historique de bascule. Une conjonction de crises — pandémie, crise écologique, guerre en Ukraine — sont en train de faire basculer le continent dans une autre phase de son histoire et d’ouvrir des brèches.
Depuis le 24 février 2023, Vladimir Poutine tente de donner une autre dimension à sa guerre impériale contre l’Ukraine. Celle-ci n’est plus une guerre contre les « nazis de Kiev » ni contre l’Europe et l’attractivité qu’elle exerce sur les pays que la Russie considère comme sa propriété au sein de ce qui serait sa sphère d’influence. Désormais, Vladimir Poutine est en guerre contre « l’Occident collectif », un groupe d’États dont il ne cesse de fustiger les mœurs décadentes, qu’il dit « rongé par le multiculturalisme et l’homosexualité », et qui voudrait dépecer la Russie.
La rhétorique agressive du président de la Fédération russe n’est pas sans effet. Dans la bouche d’un autocrate qui maîtrise l’art de la propagande, le choix des mots est important. Ils deviennent des images coriaces, façonnent les comportements. Celui d’« Occident collectif » est, en l’occurrence, capital. Vladimir Poutine l’utilise précisément car, dans la bataille de l’opinion mondiale, il sait à quel point il résonne négativement aux oreilles de nombreux pays du « Sud ». C’est une sorte de mot magique qui agit comme un épouvantail, à raison – car l’Occident a été colonisateur et impérialiste –, mais aussi à tort – notamment, qui a l’impression que l’Europe, visée par le conflit et partie de l’Occident, domine à l’échelle internationale ? La tactique fonctionne : face à l’invasion de l’Ukraine, de nombreux États se réfugient dans la neutralité au risque d’assombrir le futur de l’humanité. Or si nous restons neutres face à l’impérialisme le plus brutal, si la communauté internationale n’y peut rien, comment peut-on espérer construire un monde plus coopératif et écologique ?
À Bruxelles, la salle de réunion occupe une place à part. Il y en a de nombreuses au sein du bâtiment Europa, celui du Conseil européen, souvent sans fenêtres. La salle, room en anglais, est le lieu de discussions interminables jusqu’au bout de la nuit, où sont forgés les compromis, où se nouent et se dénouent les crises…
Adults in the Room (littéralement : « Des adultes dans la pièce ») est le titre original qu’avait choisi Yanis Varoufakis, ex-ministre des finances grec, pour son livre témoignage sur le traitement réservé à la Grèce par ses partenaires européens pendant les années de crise qui ont menacé de faire imploser la zone euro. La Grèce, à cette époque, était ce qu’on appelait en langage bruxellois « l’éléphant dans la pièce » (elephant in the room). L’expression désigne pudiquement un problème que personne ne peut ignorer, puisqu’il prend toute la place dans la salle, mais que l’on craint d’évoquer. La Grèce a été cet éléphant, puis ce fut le tour de l’Italie quand sa dette (privée et publique) a dépassé l’équivalent des 300 % de son PIB, en 2019. Mais l’éléphant était-il vraiment celui que l’on croyait ?
Le 24 février 2022, l’invasion de l’Ukraine par la Russie nous a saisis d’effroi. La guerre est de retour en Europe et n’est pas une crise « de plus » parmi la succession de celles que nous connaissons depuis le début du XXIᵉ siècle. Ce conflit bouleverse nos vies et remet en cause notre perception du monde. Il nous fait basculer d’un monde à l’autre. De la même façon que la Seconde Guerre mondiale a été le point de départ de la construction d’une Europe pour la paix, le conflit ukrainien pourrait être l’amorce d’une Europe puissante, capable de défendre ses intérêts et son modèle de civilisation. En 2022 comme en 1945, la guerre place le continent face à son destin. Elle le force à affronter son passé, mais elle lui permet aussi d’envisager autrement son avenir. Ce livre offre un récit aussi original qu’implacable du moment historique que nous traversons, en proposant des idées audacieuses pour que les Européens se montrent à la hauteur du défi auquel ils font face.
Les élections législatives auront lieu les 12 et 19 juin prochains. Selon les derniers sondages, la coalition Nupes arriverait en tête avec 28 % des voix au premier tour, mais n’obtiendrait que 20 à 25 % des sièges de députés. De son côté, la coalition Ensemble se classerait deuxième au premier tour, avec 27 % des voix, mais elle obtiendrait 60 % des députés. Enfin, le Rassemblement national (RN) obtiendrait 22 % des voix mais vraisemblablement moins de 10 % des sièges de députés ! Cette distorsion entre nombre de voix et nombre de sièges est le fruit de notre mode de scrutin, majoritaire à deux tours. Ce mode de scrutin qui reproduit la logique de l’élection présidentielle et amplifie son résultat participe pour beaucoup à la frustration démocratique et à la crise de la représentativité.
A la veille du premier tour des législatives, qui devrait peu mobiliser les électeurs, Chloé Ridel, haut fonctionnaire et présidente de l’association Mieux Voter, revient sur ce mode de scrutin majoritaire à deux tours qui fait que l’Assemblée nationale n’est pas représentative, générant une frustration croissante parmi les Français.
Directrice adjointe de l’Institut Rousseau, un think tank proche de la gauche, et coautrice du Manifeste pour une échelle humaine qui ambitionne de refonder la gauche républicaine, cette énarque propose de dépoussiérer l’ensemble de l’édifice démocratique par le sommet. Il s’agit d’en finir, estime-t-elle, avec l’hyper-présidentialisation et un Parlement réduit à une chambre d’enregistrement, de réintroduire la proportionnelle et de relégitimer l’élection directe tout en diversifiant les formes de démocratie participative.
Avec l’avènement de la démocratie, l’élection est devenue l’acte civique fondamental, où l’exercice d’un droit politique individuel contribue à forger la souveraineté collective. L’histoire du vote nous démontre que cela n’avait rien d’inéluctable et n’est pas non plus irréversible. Dans les sociétés dites primitives, la recherche de l’unanimité ou du consensus prohibait toute forme d’élection, et plus encore d’élections libres régies par la règle majoritaire. Le vote par assentiment, le tirage au sort, la convocation de l’Esprit saint, ou encore l’acclamation eurent, au Moyen Âge, la part belle. À l’époque moderne, le scrutin prend le dessus sur les autres modes de détermination de la volonté collective. Le suffrage devient progressivement universel et secret. Il obéit à la règle majoritaire, celle du « nombre » et de l’égalité entre les voix. Pourtant, jusqu’à présent, aucun mode de scrutin ne s’est montré à la hauteur des principes démocratiques modernes. La méthode de vote la plus utilisée en France et à travers le monde, le scrutin majoritaire uninominal, sert à départager des candidats plutôt qu’à mesurer l’opinion des électeurs dans sa complexité. Pourquoi ?
Notre génération, née avec la chute du Mur de Berlin, fait face au retour du tragique. Du réchauffement climatique à la pandémie actuelle, des attentats terroristes à la menace de l’extrême droite, elle ne peut rester spectatrice des catastrophes qui s’accumulent.
Nous refusons de nous résoudre à la crise permanente. Nous n’acceptons pas la fatalité du déclinisme ambiant. À l’heure où l’histoire frappe de nouveau à la porte, il nous appartient de relever le gant. Enfants de la fin du xxe siècle, nous portons, avec l’énergie et la détermination de notre jeunesse, l’espoir des meilleurs lendemains.
Ce manifeste initié par quarante acteurs de la vie civile, chefs d’entreprises, responsables associatifs, hauts fonctionnaires, intellectuels et élus locaux, tous appartenant à la génération montante, propose un autre chemin pour la décennie qui s’ouvre, celui d’une République écologique et altruiste. Celui d’une nouvelle échelle humaine.
La notion de progrès est aujourd’hui largement subordonnée à celle de progrès technique. La technique est devenue à la fois le principal vecteur du progrès et un absolu souhaitable, en vertu d’une croyance répandue qui fait de la fuite en avant technologique la solution à tous nos problèmes.
Alors que le progrès technique connaît certaines dérives, qui menacent les équilibres écologiques mais aussi l’être humain dans ses libertés, son corps et ses droits, les républicains soucieux du progrès social et de la protection de l’environnement n’ont pas élaboré de discours techno-critique à même d’échapper à l’opposition binaire entre la « fascination pour la technologie » et le « retour à l’âge de pierre ».
Un nouvel humanisme pour le xxie siècle ne pourra pourtant pas faire l’impasse d’un rapport repensé au progrès technique et d’un effort pour le replacer dans le cadre de la délibération démocratique.
Pour la première fois, une coalition de députés a activé la procédure de « référendum d’initiative partagée » pour contester la privatisation des aéroports de Paris. L’accueil réservé à ce premier « RIP », mélange de crainte et d’enthousiasme, donne à voir toute l’ambivalence avec laquelle nous percevons le référendum. Pour autant, déclenché à bon escient et sous des formes rénovées, il peut aussi être un outil de fabrication du consensus et de progrès pour la démocratie.
L’Union européenne se morcelle : en son sein se confrontent différentes visions de ce qu’elle doit représenter. Face aux replis identitaires, il est urgent de trouver un nouvel objectif commun.
Quinze ans après l’élargissement à l’est qui avait consacré la « réunification de l’Europe », le continent paraît plus que jamais fragmenté. La crise financière de 2008, les plans de relance et la faiblesse de la croissance ont enfermé certains États dans la prison de la dette. Les règles budgétaires européennes ne permettent d’en sortir qu’au prix de lourds sacrifices sociaux, qui alimentent la précarité, le ressentiment et l’impression de « déclassement ». La grande vague migratoire de 2015 et l’incapacité des États à se montrer solidaires dans l’accueil des demandeurs d’asile ont hystérisé le débat sur les immigrations et l’islam. L’Europe centrale menace de faire sécession vis-à-vis des valeurs « occidentales », au nom d’un contre-modèle de démocratie illibérale [1]. Dans le même temps, les institutions européennes souffrent d’un déficit démocratique chronique qui prête le flanc aux accusations de Victor Orban lorsqu’il dénonce la « non-démocratie libérale ». En 2016, l’annonce du Brexit est venue mettre fin au mythe de l’irréversibilité de l’intégration européenne.
« La génération anticommuniste, chrétiennement engagée, de sensibilité nationale arrive maintenant dans la politique européenne. Il y a trente ans, nous croyions que l’Europe était notre avenir. Nous croyons aujourd’hui que c’est nous qui sommes l’avenir de l’Europe ».
Comme tous les ans, le Premier ministre hongrois Victor Orban s’est rendu à l’université des Hongrois de Roumanie, le 28 juillet 2018. Les paroles extraites de son discours achèvent d’exprimer on ne peut plus explicitement les ambitions continentales qu’il nourrit. L’intention est désormais très claire : par l’infiltration et la captation des partis de droite républicaine et d’extrême droite, les mouvances identitaires dopées par la crise migratoire construisent une idée politique de l’Europe comme « civilisation » et aspirent à enclencher un basculement dont les élections européennes de 2019 seront peut-être le révélateur.